#2 L’absence

Tu me manques tellement. Plus ton corps est près du mien et plus ton absence est cruelle. Si seulement tu savais à quel point tes mots détachés, tes regards distraits, tes mots prononcés d’un ton toujours trop élevé, tes critiques incessantes, ton manque de désir… si seulement tu savais à quel point tout cela a su creuser des béances dans mes émotions. Des vides insupportables, sombres et arides dans mon réel.

Depuis combien de temps cela arrive? Depuis combien de temps tu manques ce que je suis en me remplaçant par cette personne qui a mon prénom et à qui tu reconnais des traits si déplaisants et immatures? Et depuis combien de temps as-tu permis à ces béances de prendre place dans ma vie?

Tu as toujours montré du doigt mon excès de présence dans le monde virtuel. Ton regard, pourtant si fin et sensible, a manqué le vide que j’ai désespérément essayé de combler et qui en est la cause. Me rendre présente ailleurs. M’agripper à l’illusion d’exister à travers les mots d’inconnus c’est mon seul salut. Être vue par ceux qui ne me voyaient pas, du moins en avoir l’illusion.

Mais c’est une double peine d’exister tellement dans les pensées des autres. Les lire m’admirer, me désirer, m’attendre n’a fait que rendre encore plus insupportable ton indifférence à mon égard. Tes mots ingrats coupent en profondeur mes émotions et me vident.

Ma forme, ma surface, enveloppe le vide que je suis devenue.

 

#1 Je suis là

Je suis là. Il ne m’est pas donné de savoir pour combien de temps et dans quel état. Ce que je sais tient dans l’intensité d’une envie. Celle d’être dans les pensées et dans les émotions de celles et ceux qui me sentirons me débattre dans mes silences emplis de mots à la recherche d’une couche. Des jours, des mois, des années durant, mes silences n’ont pas su communiquer. Ils se sont limités à crier, jurer, créer se nichant dans une surface aux lèvres souriantes, le regard perdu, la forme froidement en ébullition.

Ça a été tout jusqu’au jour où mon corps a commencé à concurrencer mon esprit, en levant la voix si fort qu’il a fini par s’imposer. Je suis à son écoute maintenant et dois avouer qu’il me connaît bien, vraiment bien. C’est à lui que je dois si je suis ici aujourd’hui, si mes mots se couchent enfin et se lancent à la recherche de regards qui se plaisent à imaginer ma voix. Je suis là désormais.